Une histoire de reconversion | Nadia, informaticienne devenue sexologue

Une histoire de reconversion réussie pour ce nouvel épisode des Divergents avec Nadia. Pour y parvenir, elle a repris ses études. Ce qui demande une belle motivation et une croyance absolue en son projet. Sans oublier le soutien des proches. Nadia Morand, qui a franchi le pas pour s’aligner avec ses valeurs professionnelles, nous explique les étapes qu’elle a franchies. Et comment elle a fait. Un indice pour vous : jamais elle n’a douté. Est-ça la clef ?

podcast d'une histoire vraie - Nadia Morand portrait
Nadia a dû reprendre ses études, avec le soutien indéfectible de son mari.

Une histoire de reconversion avec votre interview de Nadia Morand (en podcast – cliquez sur le lecteur audio ci-dessous) :

Épisode n°3 – Nadia Morand, de la programmation informatique à la sexologie Les Divergents

Votre interview écrite de Nadia Morand (version résumée avec les passages forts pour les plus pressé(e)s d’entre vous) :

Les Divergents : Nadia, après une première carrière dans l’informatique, tu décides de devenir sexologue. Une histoire de reconversion qu’on ne voit pas tous les jours. Peut-on revenir ensemble sur ton parcours de vie ?

Nadia Morand : « En fait, pour moi, la sexologie, c’est un métier que j’ai toujours voulu faire ! Depuis l’adolescence, je savais que je voulais travailler dans la sexologie. J’ai mis beaucoup de temps avant d’assumer cette voie. J’ai eu un parcours plutôt atypique. J’ai eu mon bac jeune. Je ne me voyais pas à cet âge dire à mes parents ce que je voulais faire… »

Les Divergents : Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ce métier de sexologue ?

– « C’est un métier qui a plusieurs facettes. Qui est très vaste. Pour une partie de mon activité, je propose des consultations destinées aux personnes seules ou en couple. Une autre partie de mon métier consiste à faire de l’éducation à la vie affective et sexuelle auprès des jeunes adultes et des adolescents au travers d’associations avec lesquelles je travaille.  Je fais de la sensibilisation. Et je me suis spécialisée sur tout ce qui est sexualité et handicap.

De par mon histoire, c’est quelque chose d’important, car je suis née moi-même avec un léger handicap

De par mon histoire, c’est quelque chose d’important, car je suis née moi-même avec un léger handicap. Mon parcours de vie m’a sensibilisée au fait qu’il était vraiment important de travailler avec ce pôle-là.
C’est important pour moi de travailler avec des personnes différentes. Je ne veux pas rester attachée à un seul public. Je veux rester ouverte. Le concept d’inclusion est au cœur de toutes les manières avec lesquelles je pratique mon travail. »

Les Divergents : L’inclusion, peux-tu nous aider à définir ce terme ? Pourquoi est-il important dans ton métier ?

– « En fait, l’inclusion est quelque chose qui permet d’aller à l’encontre de la discrimination, de la stigmatisation. Une personne qui vit avec une différence dans notre société, on peut la mettre de côté. Par exemple dans un foyer de vie, en fonction de son âge. Ou dans des Ehpad (Établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes), en fonction de leur état de santé. On peut intégrer, c’est un petit pas de plus. Par exemple dans des écoles, on peut avoir une classe pour des enfants avec des difficultés particulières avec des temps de mixité. L’inclusion va encore plus loin. On vit tous ensemble. On ne va pas créer des espaces où la différence sera mise en avant. »

Les Divergents : Quand tu travailles avec tes patients, tu m’as expliqué que tu agis sur le long terme. Comment ça se passe en fait ?

– « J’ai fait d’abord des études de sexologie. Après, j’ai fait de la psychologie. Ma lignée en sexologie me permet d’aider les personnes surtout par la parole, l’écoute, et leur proposer des exercices à faire chez eux. Très souvent, les gens se demandent s’il y aura des manipulations. Il y a beaucoup de fantasmes autour de ce métier. Je n’ai aucun contact avec les personnes. »

Les Divergents : Tu nous as expliqué que, avant de suivre ton envie d’aller vers la sexologie, tu as choisi l’informatique. Pourquoi ?

– « À la base, je voulais faire de la physique nucléaire. Finalement le projet s’est transformé et j’ai opté pour l’informatique. Je me disais que ce serait formidable de rester quarante ans dans un métier, payée à jouer aux Legos. Ce qui me plaisait dans ce métier, c’était son côté créatif. J’ai fait beaucoup de programmation de logiciels, j’ai été en partie chef de projet. Après, il m’a fallu du temps et de l’expérience pour prendre du recul sur ce que ça voulait dire être informaticienne.

Le moment charnière, c’est quand j’ai eu mes enfants. Ce travail d’informaticien permet d’automatiser des tâches. C’est super intéressant dans une société qui est prête à laisser du temps libre aux gens. Sans mettre les gens dans la m…. En l’occurrence, ce n’était pas le cas.

Une histoire de reconversion : « Je me suis dit non, ce n’est pas cette place-là que je veux avoir dans la société. »

Je me suis rendu compte avec l’expérience que le fruit de mon travail remplaçait le travail des humains. Du coup, ça les mettait au chômage et donc dans la m… J’aurais pu le réaliser pendant mes études, mais ça m’a pris dix ans. Ce fut violent quand ça a pris une forme concrète. À ce moment, je me suis dit non, ce n’est pas cette place-là que je veux avoir dans la société.

Bien sûr, j’aurais pu continuer à être informaticienne et travailler dans d’autres contextes et faire d’autres genres de logiciels qui seraient utiles aux êtres humains. Cette prise de conscience m’a permis de revenir à cette intuition que j’avais eue tôt sur la psychologie. »

Les Divergents : Pour avoir rencontré d’autres adultes qui étaient dans ton cas, cette prise de conscience peut aller jusqu’au burn out !

– « Tout à fait. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour moi. Je devais avoir 27 – 28 ans. Le fait d’être accompagnée par une psychologue a été salvateur. Ce qui m’a permis de remettre les pièces dans l’ordre. Le contexte était important aussi. Je venais d’accoucher, je venais d’être jeune maman. Cette étape m’a permis de me réaligner avec mes valeurs, de retrouver de la motivation. C’est comme si l’engrenage s’était rassemblé. »

Les Divergents : Une histoire de reconversion comme la tienne, c’est aussi un moment où on décide d’arrêter son job. Mais matériellement, comment fais-tu ? Tu as pu négocier une rupture conventionnelle ?

– « Avec mon premier enfant, avec mon handicap, j’étais beaucoup à la maison. Avec mon petit garçon et mon mari. Quand j’ai repris mon travail, j’étais entourée de beaucoup d’hommes. J’ai eu un besoin d’être plus au contact de femmes.

Je ne me voyais pas mettre mon énergie au service de modèles qui ne me convenaient pas

C’était avant le burn out. Pour voir plus de femmes, j’ai trouvé le prétexte de vendre des sex toys à domicile. Cette activité m’a fait beaucoup de bien. Je ne me voyais pas mettre mon énergie au service de modèles qui ne me convenaient pas. J’ai donc décidé de me consacrer à la vente d’objets dédiés au plaisir. »

une histoire de reconversion - Nadia Morand, informaticienne devenue sexologue
Nadia Morand, c’est une histoire de reconversion hors norme – d’abord informaticienne pour devenir sexologue.

Les Divergents : Tu renouais indirectement avec une discipline pour laquelle tu avais des affinités depuis l’adolescence. Même si ce n’est pas le métier de sexologue. Et qu’est-ce qui se produit alors ?

– « Au travers de cette activité, j’ai rencontré des sexologues, avec qui j’ai eu des discussions captivantes et qui m’invitaient à aller plus loin. Pour me tester, j’ai fait une première formation. Je me suis dit, “ça passe ou ça casse”. Je ne savais pas si psychologiquement j’étais prête. “Si ça fonctionne”, je me suis dit, “j’y vais, et je fais mes études de sexologie”. Et c’est ce qui s’est passé. »

Pour cette reconversion professionnelle, tu as dû aller loin de chez toi…

– « En effet, c’était au sud de Paris. J’avais un nourrisson, un petit garçon. J’habitais la région d’Annecy. Pour y arriver, j’ai dû lâcher l’idée de perfection. J’ai surtout eu beaucoup de soutien de mes proches. J’étais très bien accompagnée. Les cours avaient lieu une fois par mois, pendant quatre jours. »

Les Divergents : Tu étais portée par une telle envie que cette organisation coulait de source. Tu étais alignée avec ce que tu voulais faire. C’est une histoire qu’on aimerait entendre plus souvent…

– « Complètement. Une des choses qui m’a aidée, c’est d’en parler autour de moi, à des proches qui me connaissaient vraiment bien. À chaque fois, c’était la même réponse : “Ça ne m’étonne, tu en as mis du temps !” C’était une évidence pour tout le monde, sauf pour mes parents… »

Les Divergents : Il y a aussi l’envie d’aider les autres à travers la sexologie. Tu savais que le goût des autres était présent en toi ?

– « Même dans mon travail informatique, c’était déjà une chose qui était présente en moi. Ce qui peut sembler curieux, je sais, mais dans l’informatique il y a aussi une part d’interaction. J’ai envie de pouvoir me coucher le soir en me disant, ça n’a pas servi à rien. »

Les Divergents : Quels conseils tu peux donner comme entrepreneuse pour surmonter les périodes de doutes, les moments difficiles. Pour celles et ceux qui veulent vivre une histoire comme la tienne ?

– « Les périodes difficiles, il y en a, c’est clair. Des moments de doutes, je n’en ai pas eu. Car je sais que je suis au bon endroit. C’est propre à ce projet de reconversion professionnelle. C’est tellement fort à l’intérieur. Je me rappelle la première fois que j’ai posé le pied dans cette école de sexologue, je me sentais vraiment à la place.

J’ai rencontré des professionnels fabuleux

La partie administrative reste en revanche un monstre incroyable. Avec le handicap, c’est très particulier. Car il y a des aides. Mais pour certains statuts, c’est très compliqué de devenir entrepreneur avec un handicap. Ce qui m’a obligé à demander de l’aide. Et mettre ma fierté ailleurs. Dans ces circonstances, j’ai rencontré des professionnels fabuleux. »

Les Divergents : Ton conjoint t’a tout de suite suivie dans ton projet ?

– « Il a tout de suite été plus qu’un soutien. Il fait partie intégrante des personnes qui n’étaient pas étonnées par ce projet. Il m’a dit, allez, on y a. On a abordé le projet en équipe. Un vrai projet de famille. »

Les Divergents : Et qu’as-tu ressenti le jour de ta première consultation ?

– « Avant de parler de cette journée, il faut que je parle de combien de temps il m’a fallu avant d’en arriver là. Car à partir du moment où j’ai commencé mes études de sexologie et ma première consultation, il s’est passé trois ans. Trois ans avant de me lancer. C’était très compliqué pour moi de me dire : “Allez, je suis assez forte, je peux y aller”. Je ne pouvais pas entendre que j’allais apprendre en faisant. Et pourtant c’est comme ça que ça se passe. Le premier jour, j’étais terrifiée. Je me demandais même comment la personne avait eu mes coordonnées ! Je me suis dit, il ne faut pas insulter la chance non plus. C’était comme un saut dans le vide. Je suis sortie de là, et je me suis dit, c’est bon, je suis au bon endroit. »

Propos recueillis par Damien RICAUT
pour le podcast Les Divergents

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